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L'impossible amour -2-
30 octobre 2006

Chapitre 12 - Week-end à Salers

Quelques jours plus tard, Hélène m’appelait pour prendre de mes nouvelles. Nous nous donnâmes rendez-vous pour le soir-même, au Loup Blanc, un petit restaurant branché situé au cœur du quartier Montorgueil.

Lorsque je revis Hélène, je la trouvai amaigrie. On voyait ses côtes au travers de son tee-shirt couleur fushia. Elle me dit qu’elle avait passé plus d’un mois à travailler dix heures par jour, y compris quelques samedis. Elle avait besoin de reprendre des forces. Je lui proposai de passer quelques jours en Auvergne, où je connaissais une auberge rustique et authentique, qui ne manquait pas de charme. Elle accepta, avec un petit sourire triste.

Le vendredi suivant, nous quittâmes sans regret le tumulte de la capitale. A Tours, nous fîmes une courte halte chez Martin, un ami infographiste, pour lui laisser les plans d’un concours, afin qu’il y rajoute des couleurs attrayantes, en harmonie avec le projet. Il était convenu que Martin me fasse ce travail le temps du week-end et que je reprenne les documents le dimanche soir.

Hélène était intriguée par le fait que je connaisse quelqu’un sur Tours.

-          Si c’est pas indiscret, tu le connais d’où, ce Martin ?

-          Une anciennes connaissance du bureau où j’ai débuté. Il travaille en free lance, maintenant. J’ai recours à ses services, de temps à autre, c’est un très bon professionnel.

A Salers, l’Hôtel était la dernière bâtisse du pays, un peu à l’écart des autres habitations. C’était une ancienne ferme, aménagée par des commerçants habiles, qui avaient su conserver tout le charme de son style typiquement auvergnat.

En tant qu’architecte, je ne manquai pas d’admirer la qualité du travail bien fait. Le corps principal du bâtiment avait été divisé pour aménager des chambres. Une grange servait dorénavant de salle à manger et de cuisine, une autre abritait l’entrée et un salon de lecture.

La cour, dallée de lauze, ces ardoises locales, épaisses et lourdes, permettait aux véhicules d’accéder à l’ancienne étable qui faisait office de garage. Tout était propre, bien conçu pour le confort, malgré le cachet vieillot de la demeure.

La fenêtre de notre chambre s’ouvrait sur le potager. A cette période de l’année, on n’y voyait plus que des choux, quelques salades et des poireaux. Un peu à l’écart, des potirons, resplendissant dans leur robe orangée, apportaient des touches de couleur au milieu de la verdure.

La douceur exceptionnelle de cet automne nous permit de nous détendre sur des chaises longues. Pendant qu’Hélène sommeillait, je griffonnais sur un carnet de croquis quelques idées pour un projet de rénovation d’un logement en duplex, situé boulevard Beaumarchais.

Ces clients, propriétaires d’une grande pharmacie, m’avaient été envoyés par une amie commune. Après un premier entretien, durant lequel je leur avais montré quelques photos de réalisations récentes, ils m’avaient confié leurs desiderata et demandé de leur établir une esquisse d’avant projet. Ils voulaient quelque chose qui sorte de l’ordinaire dans l’aménagement de l’espace dont ils disposaient. La visite de leur futur logement m’avait aidé à mieux comprendre ce qu’ils voulaient. Il s’agissait de réunir deux étages afin de disposer d’un seul ensemble respectant les intimités de la famille composée des parents de deux adolescents. Le parti architectural adopté était d’aménager le centre du logement, partie sombre sans fenêtre, en zone de circulation verticale.

J’organisai un magnifique escalier hélicoïdal, surmonté d’une petite verrière pyramidale, afin de laisser la lumière pénétrer au cœur de l’espace. Il fallait démolir tous les éléments non porteurs, pour remédier à la banalité du cloisonnement en place. Les pièces de réception du niveau bas du logement se déclineraient autour d’un octogone dans lequel s’inscrirait l’escalier circulaire. A l’étage, la même distribution était organisée pour les différentes chambres et salles de bains.

Un aboiement de chien me réveilla. Mon carnet de croquis avait glissé sur le gravillon de la terrasse. Le charme de l’Auvergne m’avait endormi. Machinalement, je regardai ma montre. Déjà quinze heures. J’avais dû somnoler une bonne heure. La fatigue d’Hélène était telle qu’elle dormait encore. Je la laissai se reposer et, reprenant mon carnet et mon crayon, je croquai son visage baigné des rayons du soleil.

La fin de l’automne s’annonçait plutôt stable, côté travail, tant pour Hélène que pour moi. Sentimentalement, nous nous entendions fort bien. Il fallait absolument, sauf à être malhonnête avec elle, et donc avec moi, que je saisisse cette période pour évoquer avec elle notre avenir. Plus j’attendrais, plus vives seraient l’amertume, la déception et la peine. Pour rien au monde je n’aurais voulu rendre Hélène malheureuse. Je voulais juste lui dire que je l’aimais, en lui faisant comprendre que je ne souhaitais pas approfondir notre relation, tout en souhaitant qu’elle sache qu’elle n’était pas en cause.

Cet exercice m’était difficile, impossible, même, pour quelqu’un comme moi. Introverti au maximum, mes sentiments restaient au plus profond de moi, sans que je puisse les exprimer, ou si peu.

Hélène ne méritait pas toute la peine que j’allais lui faire. Et pourtant, la séparation devenait inéluctable.


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